Il n’était pas venu le lendemain, mais le surlendemain de l’assaut. Échec assez cuisant pour cette famille adoptive, ces monstres au grand cœur. Cœur sans doute brisé, échauffé, torturé,… Mais Mason avait le sentiment, l’intime conviction que le chef n’allait pas rester sur cette défaite. Il fallait qu’il se relève. Qu’ils se relèvent tous ! Il fallait trouver où ça avait merdé… Point de vue stratégique, en retrait, assurant les arrières du gang et un retrait optimal des troupes, Mason avait très certainement l’un des meilleurs reculs sur la situation. Si Malachai est aussi perspicace qu’il le soupçonne, ce chef convoquera surement les assaillants mais surtout le pilote et les monstres qui étaient restés à l’arrière.

La première journée était passée. L’ambiance était pesante. Il avait passé sa journée au garage du southside aujourd’hui. N’était pas surchargé par le travail, il avait largement eu le temps de se concentrer sur la stratégie de Malachai et sur les lacunes de ses plans. Puis il avait eu le temps de s’inquiéter de Maads et d’Aura aussi… Alonso s’en était sorti pas trop amoché, mais quand même, ça ne lui avait pas empêché de prendre de ses nouvelles. Quant aux filles, il leur laissait un peu de temps avant de leur rendre visite.

La nuit passa. Le pilote ne trouva pas le sommeil… Inquiet, perturbé, il était un peu perdu. Au fond de lui, il voulait que les monstres puissent gagner ce restaurant. Au fond de lui, il avait eu peur pour ces victimes. Il avait eu du mal à entrer dans la violence hystérique du gang. Néanmoins, il ne s’était pas montré inefficace pour autant. De son point de vue, il n’avait pas encore gagné sa place au sein du groupe. Même s'il avait ‘sauvé’ les filles. N’importe quel monstre aurait pu faire pareil en fait… S’ils avaient gagné le restaurant, peut-être que Malachai se serait montré reconnaissant et là, Mason se serait senti à sa place… Bref, un mélange de sentiments, de troubles différés se mêlent à des tracas de stratégies efficace pour une potentielle prochaine attaque… Mais oserait-il seulement y participer ?

Fin de journée. Début de soirée. C’était décidé, Mason parti en direction des habitations du southside. Il attrapa un pack de bière – celle qu’ils buvaient lorsqu’ils se sont rencontrés, petit geste symbolique, habitude prise de ne boire que celle-là lorsqu’ils se voyaient – et se rendit chez Aura. Même si le froid était mordant, Mason s’y rendit à pied. Après tout, le park n’était pas loin et au moins, ça le réchauffera de marcher un peu…

La clope au bec, il arriva devant la porte. Santiag, jeans huilé, veste en cuir foncé et vierge de tout symbole, écharpe en laine, gants en cuir noir, il avait le même look que d’habitude. Les cheveux en pétard, la barbe naissante et un léger parfum d’essence brûlée l’accompagnait dans son sillage. Il balança son mégot avant de toquer à sa porte… Il espérait ne pas trop la déranger. Il espérait qu’elle ne se fasse pas trop de mal en venant ouvrir, ou au pire des cas, ce serait son fameux jumeau qui s’en chargerait. Mais il était inquiet. Il était inquiet pour sa petite sœur de cœur, celle qui lui apprenait les ficelles de l’informatique et celle à qui il apprend à conduire, en plus des bases de mécanique… La pauvre. Il la revoit encore sur sa banquette arrière, la veste – celle qu’il porte aujourd’hui d’ailleurs, puisqu’il n’a que celle-là – pressée sur la cuisse, le sang dégoulinant partout…  Il avait roulé comme un taré. Comme un pro. Les virages serrés, à toute vitesse, comme s’il l’avait toujours fait. Comme s’il avait leurs vies entre ses mains. Comme si leurs vies en dépendaient…

Il avait hâte de la revoir...

La porte met un certain temps à s’ouvrir… Normal. Si c’était Aura qui devait ouvrir, il ne devait pas non plus espérer qu’elle se tienne derrière la porte. Visite surprise, il pouvait s’attendre à tomber sur son frère ou un autre squatteur intempestif venant abuser du grand cœur de sa petite sœur.

La porte s’ouvre enfin et c’est une Aura un peu moins rayonnante que d’habitude qui apparait dans l’encadrement… Un pull trop large, un short, les cheveux pas aussi bien coiffés que d’habitude, le teint un peu livide… De toute façon, il ne s’attendait pas à ce qu’elle soit au top de sa forme. La première chose qu’il regarda après son visage, c’est sa cuisse pansée. Moche souvenir… Il la salue d’un maigre sourire. Silencieusement. Ils n’ont plus besoin de parler pour se comprendre. Et puis, il n’était pas là pour compatir à la situation de sa sœur de cœur. Il était là pour la soutenir et lui changer un peu les idées… Et naturellement, pour prendre de ses nouvelles, mais encore une fois, les mots sont inutiles et l’évidence parlante.

Elle s’appuie sur lui, puis l’accueille dans une étreinte une fois la porte fermée. Il l’enlace de ses bras, pour lui rendre son étreinte. Il sait grâce à ça qu’elle est contente de le voir et qu’elle lui dit merci – d’une certaine façon – pour ce qu’il a fait, même si, sur le moment, elle ne voulait pas se laisser abattre par si peu.

« Merci. Déso' c'est pas bien rangé mais fais comme chez toi, on peut se poser dans le salon. » Lui dit-elle. Il la suit et ne fait guère attention au soi-disant bordel qui y régnait. Le ménage, elle n’avait pas que ça à faire. Et puis, si seulement elle voyait l’intérieur de son mobil-home en ce moment… ! Bref.

Elle s’installe, se mettant à son aise pour avoir le moins mal possible. Quant au pilote, il pose le pack sur la table et s’assied à ses côtés pendant qu’Aura ajoute : « Bon choix de bière ! Ca va toi ? » Il sourit. Il trouve ça chouette qu’elle ait remarqué directement que c’était la bière qu’ils avaient partagée lors de la soirée de leur rencontre… Décapsulant la première, il la tend à Aura en répondant :

« Ça va… » Répondit-il. C’était le ‘Ça va’ le moins crédible du monde. Celui où on devine qu’en réalité, ça ne va pas, mais qu’on ne dira rien, pour ne pas donner naissance à des inquiétudes inutiles… C’était le ‘ça va’, illustrant la situation dans laquelle ils étaient. Tous deux jeunes bébés ghoulies, ils n’avaient pas réellement pu mener à bien leur mission de l’avant-veille. Aura avait été plus efficace que Mason, certes, elle avait fait ses preuves et donc, elle avait plus de chance d’avoir davantage de reconnaissance que le pilote, qui n’avait fait qu’assurer les arrières, péter quelques vitres et embarqué les blessés…

Il ouvre une deuxième bouteille pour lui et s’enfonce dans le dossier du fauteuil. Trinquant rapidement avec sa voisine, il s’empresse de boire une bonne gorgée… Soupirant il lui demanda :

« Tu connais la fille qui s’est fait tirer d’ssus ? »

Tout le monde en parlait de cette jeune fille, victime de l’assaut. À aucun moment, Mason pensait que ça irait réellement jusque-là… Il le redoutait, certes.

En ce moment, les deux monstres savent qu’ils sont dans l’attente d’un débriefing prochain de cet échec… Frustration, impatience, désir de vengeance, inquiétude,… tous ces sentiments se mêlent au goût symbolique de cette bière, apportée en cadeau, pour passer un moment entre frères monstres.

Elle avait posé sa main sur son épaule. Une petite tape amicale, un geste d’affection qui toucha le pilote, bien qu’il ne le montrait guère…

« a, j'sais pas qui c'est.. Elle doit aller dans mon lycée sans doute. » Réponse logique de la part de sa petite sœur… Le pilote était tout de même inquiet de son état de santé. Il avait flippé pour cette raison lors de l’assaut. Comme certains monstres du gang, il craignait que cela arrive… Et c’est arrivé. Une innocente personne gravement blessée… Mais au moins, il n’y avait pas eu de morts ! On va dire que c’est déjà ça… Quoi que s’il y avait eu des morts, peut-être que cela aurait pris des proportions incontrôlables… Le gang aurait été soit chassé, soit davantage craint, en fonction d’où venait la balle… Idées noires tournantes, encore et encore… Le pilote ne pouvait empêcher son esprit de tourner pour pouvoir se montrer efficace lors de la prochaine réunion des Ghoulies.

« Ca m'soule. » Ajoute Aura. Son téléphone vibre et elle l’attrape pour en regarder le message en grognant quelque peu. Puis, elle balance son téléphone et ajouta ; « J'crois que ça va me faire du bien, des bières. » Mason, dans un geste spontané, leva la sienne avant de la porter à sa bouche et d’en boire une bonne gorgée… Après tout, il était là pour ça. Après tout, à la place d’Aura, il aurait aimé que quelqu’un vienne lui apporter des bières et discuter un peu pour lui changer les idées, sans pour autant s’apitoyer sur leur sort… Ça c’est du soutien ! Ça c’est la famille ! La vraie ! Et puis, même si ça ne faisait que deux mois qu’il connaissait Aura, il s’entendait très bien avec elle. Il avait l’impression de la connaître depuis plus longtemps… Elle était sa petite sœur de cœur après tout !

« T'as déjà fait plus que les deux imbéciles qui m'servent de parents. Tu mérites presque que j'te fasse des cupcakes à ton effigie, j'te jure. » Mason haussa les sourcils et fit une petite moue un peu dépitée… Il était au courant – évidemment – de la situation d’Aura et de son jumeau. Il était assez dégoûté que de telles personnes ne prennent pas davantage soin de leurs enfants… Même si l’instinct paternel lui faisait défaut, il sait que le jour où il est père, jamais il ne se détournerait de ses enfants comme ça… Et quand bien même, à l’heure actuelle, il ignore toujours qu’il aurait pu l’être, son envie d’avoir un enfant est né depuis le jour où il a eu son petit demi-frère. S’occuper de lui a été quelque chose d’exceptionnel et d’exceptionnellement frustrant également… Mais ça, c’est une autre histoire…

Pour détendre un peu l’atmosphère, Mason lui répondit :

«… J’serais pas contre… ! Goût chocolat ! Dit-il, en souriant et en rigolant légèrement. Puis, regardant Aura, il lui demanda plus sérieusement : Sérieusement ? Ils sont même pas v’nu voir comment t’allais… ? »

« Forcément. J'en fais quasi qu'au chocolat, Alejandro les adore.  J'en ai fait avec notre logo un jour, il était trop content. » Mason sourit. Alejandro, il sait qui c’est, mais il ne le connait pas vraiment… Certains membres du gang lui sont encore totalement inconnus et dieu sait à quel point la surprise reste entière concernant particulièrement l’un d’entre eux… ! Le pilote était en train d’imaginer les petits gâteaux avec la tête de mort dessus… Encore une fois, l’image le renvoya à sa condition actuelle. Allait-il réellement faire partie du gang un jour ? Peut-être, mais en attendant, la situation actuelle ne l’aidait pas à se sentir pleinement monstre… Une gorgée de bière vint ponctuer leur conversation, donnant un semblant de courage.

Le sujet des parents abordé, Aura soupire… Mason est mal à l’aise pour elle, bien qu’il ne puisse pas non plus reluire d’une attention parentale particulière… Quoi que si en fait. Mais d’une attention paternelle d’une toute autre nature, bien évidemment. « Non, j'sais pas où ils sont, ma mère me demande comment je vais. Comme si j'allais lui sauter dessus parce qu'elle m'a enfin adressé la parole depuis un an. En vrai, j'préfèrerais que ce soit mon père qui m'parle plutôt qu'elle, elle est franchement naze. » Mason détourne son regard de sa petite sœur. Il est désolé pour elle. Avoir des parents aussi absents, ça ne doit pas être facile à vivre. Surtout à cet âge ! Où leur présence est vitale, même si elle est repoussée au nom d’une indépendance prématurée prônée…

Elle lui sourit, bois un coup en même temps que lui et ajoute : « C'est mon père qui m'a appris le kung-fu. » Un sourire en coin s’affiche sur le visage de Mason. Un point positif ressort enfin. « On s'parle pas et tout mais.. Pourquoi ce serait ma mère qui ferait ça ? M'envoyer un message ? Ils s'intéressent pas à nous alors ça se trouve s'ils leurs arrivent quelque chose on le saura pas non plus. » Le sourire se dissipe rapidement. Il commence à comprendre pourquoi les jumeaux Wang font de leur maison, un refuge pour les âmes en détresse…

Alors que le regard du pilote se voulait fuyant, il remarque la bière de sa petite sœur, vide. Il se permet de lui en ouvrir une seconde et de la lui tendre, après avoir vidé la sienne en une traite. Parce qu’il ne peut pas dire que niveau parents, il a des conseils à lui donner. Il remarque qu’il a eu de la chance quelque part… Son père l’aura envoyé dans sa famille au Texas pour qu’elle s’occupe de lui. Il l’a caché certes, mais au fond, il ne l’a jamais renié… Et aujourd’hui, il le fait sortir de prison pour lui donner une seconde chance… Quant à sa mère, elle s’est laissé déchoir, pourrissant petit à petit la vie de son petit frère… L’essentiel, c’est qu’elle sait qu’elle s’est battue et qu’elle a beaucoup souffert du départ de son premier fils. Enfin, c’est ce qu’il croit. La vérité est peut-être tout autre…

Les bouteilles tintent une seconde fois dans la maison des Wang. Ils trinquent à nouveau. Mason aimerait avoir les mots pour consoler Aura, mais aucun mots ne seraient assez forts pour remplacer une famille…

« … C’est triste. J’suis désolé pour vous deux. »

Lui confia-t-il.
Puis, il se concentra sur sa nouvelle bouteille, de laquelle il avait commencé à attaquer l’étiquette avec ses ongles noircis…

« En tout cas, tu sais qu’tu peux compter sur moi si vous avez b’soin d’quelque chose hein… »

Lui dit-il pour terminer.
Parce qu’il ne pouvait lui dire que ça… Parce que le sujet des parents, est un sujet fâcheux, mais si jamais elle émettait le désir de les revoir, Mason serait capable d’aller les chercher par la peau du slip pour les ramener chez eux. Afin qu’ils s’occupent de leurs gosses. Parce qu’on n’a pas le droit de se débiner comme ça. Parce qu’on n’a pas le droit de les laisser seuls… Parce qu’on doit les assumer jusqu’au bout ! Le pilote a conscience qu’il ne remplacera jamais un parent, mais il saura incarner ce grand frère dont Aura aura besoin.

« Ouais.. Merci. Tu sais, on est habitués, c'est jusque je me disais que me faire poignarder la jambe par un débile suffirait à ce qu'ils reviennent un peu. Mais j'ai tendance à les surestimer encore, visiblement. On vit comme ça depuis super longtemps. T'es vraiment cool, comme gars. On a de la chance de t'avoir. Quand j'dis on.. » Lui répondit-elle, avec un sourire et un regard un peu fuyant. Mason la remercie avec un léger rictus. Il boit un coup, en même temps que sa petite sœur. Son compliment le touche. Même s’il aurait aimé faire plus… Sa situation le révolte intérieurement. Il n’arrive pas à comprendre la logique qu’auraient ses parents… Laisser leurs enfants seuls, même lorsqu’ils se font poignarder, n’est pas humain. À ce moment-là, le pilote espère juste qu’ils aient une bonne raison de se comporter de la sorte. Tout comme son père – son vrai père – à qui il ne parle jamais, qui ne côtoie pas, qui l’a caché aux yeux de tous et qu’il continue de nier, avait une raison de le faire… De ce fait, il espérait que cette raison en vaille réellement la peine car, d’un point de vue extérieur, ils étaient pires que son patriarche à la carrière imposante.

« J'parle pas que d'Zany et moi. Les ghoulies, on a de la chance de t'avoir. T'as aidé Maads aussi, et pour ça, j't'en serai reconnaissante toute ma vie. Parce qu'après Zany, c'est la deuxième personne qui compte le plus pour moi, et t'en faisais déjà pas mal pour elle.. Elle était toujours heureuse d'aller faire de la mécanique avec toi, et tu l'as aidé.. Alonso et toi, vous pourrez toujours compter sur moi aussi. » Ajoute-t-elle. Mason sourit, regardant sa bouteille de bière à moitié vite déjà. Il était rassuré de savoir qu’au moins un membre des Ghoulies lui proférait une place légitime au sein du gang. Il avait rapatrié des blessés, comme son rôle le prévoyait de faire… Même s’il n’avait explosé personne, il s’était donné pour mission de protéger les plus jeunes de ce chaos infernal… Il espérait que les autres montres pourraient le comprendre lors de leur prochaine réunion. Et puis, concernant Maads, il prenait plaisir à lui enseigner la mécanique. Parce qu’il était passionné et qu’elle était intéressée. Aura, idem ! Échange de bons procédés. Il lui apprenait les quelques bases, en plus de tenir un volant entre les mains. Alonso, lui, il fait partie des rares personnes à pouvoir témoigner de son passé, à connaître son histoire et son identité. Parce que la taule, sa rapproche, l’air de rien… Mais quoi qu’il en soit, l’aide qu’il aura procuré aux monstres, il n’en tirait encore aucune fierté… Pour lui, ça avait été normal. Quant à savoir si cela allait définir sa place légitime au sein du gang, c’était encore à voir… Quoi qu’il en soit, même si ça ne sera pas le cas, ça ne l’empêchera pas de continuer d’aider et de côtoyer ses petites sœurs et ses potes.

Aura se lève, tant bien que mal, et se dirige vers le frigo. Mason la regarde faire, à l’affut d’un coup d’pouce au cas où… Récupérant une assiette de cupcakes, elle les amène à table en disant : « Tiens fais toi plais' j'viens de me rappeler que j'en avais, ça aurait dut me faire tilt' tout à l'heure mais bon, j'réfléchis n'importe comment alors. Pourtant on m'a pas défoncé le cerveau, mais j'ai l'impression que ça m'a foutu un stop net cette histoire et qu'depuis j'suis juste un fcking zombie doté d'une once d'intelligence quand même. Genre comme dans iZombie. » Mason rit à sa comparaison. Mais une fois l’assiette à table et Aura posée, il se redresse. Lâchant un petit râle de contentement « Rhaaa ! Trop bien !!... » il pose ses fesses au bord du canapé, pose sa bouteille et en attrape un directe pour le croquer à pleine dent. Il n’est pas nécessaire de rappeler à quel point le pilote aime manger de la nourriture faite maison… !

Alors que Mason engloutit le premier cupcake qui – visiblement – est à son goût, Aura change de chaîne et le regarde désolé « Sorry bro', j'vais pas avoir le choix que t'imposer ça. » Il regarde sa petite sœur, puis l’écran de la télévision… Il n’a réellement aucune idée de ce que c’est… Même s’il en avait une dans son mobil home, il n’aurait sans doute jamais le temps de la regarder. Alors les émissions, à par celles de la radio, il est potentiellement le pire inculte de la ville !

« C'est vraiment cool que tu sois venu. Merci. » Il détourne son regard de l’écran pour regarder la bouille d’Aura et il lui répond, sensible à toute la reconnaissance que sa petite sœur cache dans sa phrase :

« J’t’en prie.. ! J’allais pas rater un moment bière – cupackes – émission étrange en ta compagnie quand même … ! »

Dit-il de façon un peu humoristique et la bouche pleine ! La présence du pilote changeait les idées de la petite, et c’était le but. Même s’il était venu pour prendre de ses nouvelles, il était rassurée de voir qu’elle allait bien, au moins physiquement. Pour le moral, il jouerait ce petit rôle de diversion, le temps d’une émission. Il pouvait bien faire ça pour elle !

Regardant à nouveau l’écran, buvant une gorgée pour faire passer sa bouchée, il lui demanda :

« C’est quoi au juste comme truc ? »

Lui demanda-t-il, en parlant de l’émission. Parce que bon, autant qu’elle le brief sur ce qu’ils étaient en train de regarder qui – visiblement – plaisait énormément à sa petite sœur… !

« Les moments bière – cupcakes – émission étrange sont les meilleurs ! » Lui répondit-elle avant d'engloutir la moitié du cupcake qu'elle venait d'attraper. Réplique symbolisant la réception du sarcasme humoristique du pilote. Mission réussie. Détournement d'attention en cours, tentant de lui faire un peu oublier cette condition de merde dans laquelle elle est obligée de grandir, de rester et de subir.

Mason lui demande ensuite des explications concernant ce qu'il est en train de regarder dans ce caisson avaleur d'âme, diffusant les pires conneries du monde à la pelle, afin d'endormir les consciences et les intelligences humains. Eux aussi, détournent l'attention et les consciences du petit peuple afin qu'il ne s'occupe pas des affaires sérieuses de l'Etat. Forme de domination du monde par l'abrutissement, à laquelle l'esprit du pilote n'a même pas conscience...N'ayant même pas accès à ce genre de 'loisir'. Sociologie ratée.

Sa petite sœur lui explique ce qu'ils regardent. Blottie dans son canapé, Mason à côté d'elle, à son aise également, écoute attentivement ses mots :   « Mmmmmh.. En gros. T'as des gens qui ont de la thune à perdre, qui ont le lvl max en connaissance des vieux trucs inutiles, qui se rejoignent tous pour aller dans c't'endroit que tu vois là, genre y'a plein de box abandonnés, puis ils se battent pour les avoir. Parfois y'a des gars qui dépensent mille balles pour gagner que cinquante dessus, puis ils se prennent toujours la tête. Un jour y'a un gars il a eu un box y'avait genre pleeeeeeeeeein de sabres asiatiques et tout, putain, j'étais trop jalouse ! Genre là, y'a le couple qui se dispute tout le temps parce qu'à chaque fois le gars il dit à sa meuf « on dépense que 500 balles, et elle, elle continue à surenchérir quand même. J'aurai pas le choix que d'y aller seule parce que l'amour ça craint, mais j'trouve ça con d'y aller en couple. » Mason arque un sourcil... Il boit un coup et reprend un deuxième gâteau, aillant déjà engloutis le premier avec appétit, pendant les explications de sa petite sœur de cœur. Instant suspendu dans le temps où il essaye de comprendre la logique, la raison de l'existence d'un tel 'jeu'... Ceci dit, s'i avait du fric à ne plus savoir qu'en faire, pourquoi pas le claquer là-dedans ? Après tout, le côté surprise est fort tentant... ! Bref, deux phrases ont particulièrement stoppé l'attention de Mason. Le fait qu'elle aime les sabres - ce qui n'est pas une surprise en soi - et le fait qu'elle insinue - comme tous les ados de son âge - que l'amour ne sert pas à grand-chose... Mason s'arrête de mâcher un instant, baissant juste les yeux pour regarder le sol. Le temps d'une seconde, un flash. Il repense à l'époque où il avait son âge, où il pensait la même chose, jusqu'à la rencontre de sa femme. Il n'avait pas attendu bien longtemps pour lui demander de l'épouser. Il avait su, au premier regard, qu'elle serait la femme de sa vie. Il n'aura pas attendu longtemps avant de la condamnée officiellement à n'avoir que lui dans sa vie... Vie qu'elle partageait avec la même passion et la même énergie. Relation complémentaire et fusionnelle... Comme quoi, quand on est adulte, toutes nos convictions d'adolescents peuvent être balayées en un battement de cil, même celles construites en béton armé ! Une vie plutôt libertine d'un adolescent bon vivant, troquée contre celle d'un mari-champion et professionnel...

Retour sur l'écran. La mâchoire se remet en marche et l'attention se calque alors sur sa petite sœur. Un coup de bière pour faire passer la bouchée et les yeux rivés sur son écran, le pilote lâcha :

« C'est ton truc hein ça, les sabres ?! J'me d'mande si j'en ai pas vu au centre culturel... t'sais des espèces de katana là ! des… rhaa, attends… des tenka goken j’crois ! ‘fin, des reproductions évidemment… »

Lui qui voulait faire son intéressant, voilà qu'il dévoile inconsciemment une partie de son savoir supposé caché, sur l'art et son histoire... Icônes incontournable dans l’art japonais, ces chefs d’œuvres – armes avaient été étudiés lors de ses études pré-carrière. Passionné de l’art et de son histoire, Mason ne peut ignorer et cacher cette passion qui s’est développée en marge de sa carrière de pilote.

A sa réplique, elle arque un sourcil... Mason se rend compte de la connerie qu'il vient de dire, mais cela n'a apparemment pas éveillé les soupçons de sa petite sœur... tant mieux ! A ses yeux, ca apparaît juste comme un talent caché. Un autre sans doute... Elle répond : « Bien sûr ! Oh.. Tu sais que c'est avec ça que j'ai coupé les tuyaux quand même.. Enfin.. Bref. On a pleins de trucs comme ça, enfin genre des armes chinoises.. Mon père nous a offert un katana et un sabre à chacun, personnel, mais on a tous les autres trucs de la famille. Depuis des années ! J'savais pas que y'avait ce genre de chose à Riverdale. J'pensais que c'était plutôt naze comme endroit. » La réaction du pilote s'arrêta à un acquiescement, un sourire en coin. Mangeant son gâteau à pleine bouche, l'appétit était toujours présent. Ponctuée de gorgée de bière bien entendu. Il faudrait quand même qu'il pense à surveiller un peu plus son alimentation, mais ce n'est réellement pas au cœur de ses préoccupations actuelles...

Se relevant trop vite, elle grogna : « Putain.. J'voulais te montrer et tout.. Mais.. J'ai oublié que j'étais handicapée.. Ca m'soule. » Il s'était inquiété lors de sa tentative ratée, étant resté à l'affût au cas où il aurait dû intervenir. Réflexe. Du coup, il lui répondit conciliant :

« T'inquiètes... »

Lui dit-il, préférant qu'elle fasse gaffe à elle, plutôt que de s'emballer. Quoi qu'il en soit, ils auraient l'occasion d'en reparler plus tard au pire !

Reprenant un cupcake et la télécommande, Aura change de chaîne. Tombant sur une autre de ces émissions étranges, elle lui explique : « Ah ça t'aimeras sans doute plus ! C'est une émission où ils retapent des caisses pour ajouter des trucs dedans, une fois ils ont transformé une voiture en jaccuzi, ça n'a aucun putain de sens, mais honnêtement j'adore voir les avant après ! » dit-elle, attirant l'attention de Mason sur ce concept des plus étranges... Fixant l'écran en arrêtant de mâcher et de boire, comme tétanisé ou choqué par ce qu'il voyait, il n'en croyait pas ses yeux ! Comment était-il possible de faire de telles choses aux bagnoles ?! Réduisant ces carcasses mécaniques au simple accessoire pimpé de façon absurde ! Fonction première étant totalement camouflée par ces technologies qui n'ont pas du tout leur place là, et donnant une claque colorimétrique qui font saigner les yeux... Dieu n'existe plus... définitivement... !

« Au moins avec le temps que j'aurais à être coincée ici j'pourrais m'occuper d' mes photos.. Ca nécessite pas que je puisse marcher normalement. » finit-elle par ajouter, redonnant le coup d'envoi du mâchage du pilote... remarque rassurante, elle voyait déjà le côté positif de sa convalescence. Il acquiesce à nouveau. Puis, terminant son cupcake, l'index levé pour signifier qu'il finissait de mâcher avant de parler, il dit :

« Si t'as besoin, t'as mon numéro hein. J'reste alerte le temps que tu t'en remettes... Tu sais, je t'adore mais... par pitié, change de chaîne! Ça me fait trop mal au cœur de voir ça... »

Lui confia-t-il, quelque peu faussement dramatique ayant pour but de la faire rire, suite à ces mots quelques peu dures envers elle-même... De toute façon, il allait devoir finir sa bière et y aller... la thune ne rentrera pas par miracle toute seule dans sa poche... Et puis vu l'heure, elle aurait certainement bientôt la présence de son frère et autres coloc' clandestins de retour des cours... Pour ce qui était du service, c'était tout naturel. Puis, ce n’est pas comme s'il vivait loin ! Il pouvait facilement faire quelques développements sur la route ou lui faire quelques courses sans que cela ne soit trop chronophage. C'était sa petite sœur aussi... il se devait d'être là pour elle.

Sa petite sœur change automatiquement de chaîne après avoir gonflé ses joues comme celles d’un hamster. Murmurant un petit déso, elle tape un dessin animé avec un scientifique fou et vulgaire, et son petit-fils mou de la nouille. Ça a l’air un peu surréaliste comme série, mais ça lui plais. Ça, ça plais au pilote qui sourit déjà après la première réplique. Mais Aura lui parle alors, son attention lui est toute dévouée : « Ils auraient pu me poignarder autre chose, genre j'sais pas. Le ventre. J'peux même pas aller faire d'photos.. » Mason acquiesce, malheureux pour elle… « Merci, pour la bière. » Finit-elle par ajouter. Sourire en coin, clin d’œil complice, significatif de son affection. Il sait qu’elle aurait eu ce genre de geste envers lui s’il avait été à sa place. Petite sœur de cœur, Aura était sans doute la première personne de sa nouvelle famille, a lui avoir témoigné de l’affection. Même si leur relation aura commencée avec une baffe violente, leur lien en est d’autant plus fort. Aura et Maads, auront été les premières à lui faire sentir qu’il était à sa place dans leur gang. Les premières à lui avoir fait comprendre qu’il était légitime pour lui d’y être. Qu’il avait sa valeur. Qu’il avait toutes ses chances pour être un membre à part entière s’il le voulait… Il ne lui manquait plus que les couilles et une situation régularisée pour sauter le pas et en faire définitivement partie. (Ainsi que l’autorisation de son père, membre secret du gang, bien évidemment !)

Après un court instant, la porte fini par s’ouvrir. Le jumeau d’Aura rentre et ne tarde pas à venir enlacer sa petite sœur, ajoutant un baiser sur son front. Mason le salue après qu’il l’ait salué également. Mason sourit devant ce joli petit tableau. Secrètement attendris, le demi-monstre finit sa bière d’une traite et pose sa vidange sur la table avant de se relever du canapé.

« J’vous laisse en tête à tête ! Dit-il dans le mouvement. Puis, regardant Aura, il ajouta : J’passerai t’voir d’main fin d’journée. Si t’as b’soin, sms ! »

Lui lança-t-il, lui promettant de passer par ici en fin de journée. Après le taff. Donc, s’ils avaient besoin de courses ou d’un autre truc à ramener, elle pouvait très bien lui envoyer un message pour qu’il lui rapporte à ce moment-là… Quoi qu’il en soit, il était temps pour le pilote d’aller faire quelques heures supplémentaires, afin d’arrondir ses fins de mois…

Saluant les jumeaux une dernière fois, quittant la maison des Wang, Mason était plus que déterminer à trouver sa place au sein de cette ville… Il attendait le débriefe des monstres avec impatience mais aussi appréhension… Il savait que certains Ghoulies étaient contre sa position. Le cul entre deux chaises, ce n’est jamais réellement bien vu… !